COMPARATIF DES METHODES DE LANGUES [1]

 

Où en est la pédagogie des langues ? Un tour d’horizon des approches pédagogiques en vigueur en France dévoile un paysage relativement pauvre dans lequel les approches plus anciennes dominent encore largement au détriment d’approches plus récentes et souvent plus performantes. Cette approche n’est d’ailleurs pas spécifique à la France et on soulignera avec malice que les petits anglais ne parlent pas mieux le français que nos têtes blondes ne parlent l’anglais !

Les modèles théoriques de l’enseignement des langues sont encore peu nombreux et plus encore, méconnus. Nombreux encore sont ceux qui, indépendamment de leur talent pour l’enseignement des langues, ignorent l’existence et la teneur des différentes écoles de pensée.

Ces modèles, quels sont-ils ? Les six méthodes les plus connues sont présentés ci-dessous. On trouvera une liste des approches moins connues en note de pied de page [2].

 

L’enseignement classique par la traduction et la grammaire :


Cicero_0.jpg Hérité de l’enseignement du latin et du grec, cette approche a été transférée à l’enseignement de toutes les langues au 19ème  et au 20ème siècle. Les cours sont donnés en Français, et on utilise peu l’a langue enseignée (l’anglais). On donne une grande importance aux règles de grammaire qui sont énoncées en détail. La lecture et le commentaire de textes, parfois difficles joue un rôle important dans l’enseignement. La traduction est souvent favorisée. On discute par exemple en français d’un texte anglais.

C’est l’approche historique utilisée depuis le moyen-âge et qui inspire encore une partie de l’enseignement scolaire et universitaire. Si elle favorise la connaissance des règles de grammaire, elle ne favorise ni la compréhension ni la production orales qui sont lourdement handicapés par les processus de traduction.

 

La méthode directe

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Créé en réaction à l’enseignement classique, cette méthode postule de ne jamais, jamais utiliser la langue maternelle. On ne parle qu’en anglais dans un cours d’anglais, sans traduire ! L’enseignement est basé sur l’écoute de dialogues modernes et sur l’utilisation d’images et de jeux. De nombreux exercices et entrainements sont proposés aux apprenants afin de les impliquer et de les amener à produire des phrases en anglais. La grammaire est enseignée de façon inductive : on généralise à partir d’exemple individuels. La conjugaison des verbes n’est enseignée qu’une fois que l’apprenant a développé un niveau d’aisance minimum. La culture associée à la langue enseignée est aussi présentée de façon inductive.

Créé dans la première moitié du vingtième siècle pour l’apprentissage des adultes, cette approche s’est généralisée dans la seconde moitié du siècle. L’école s’en inspire aussi de plus en plus, bien que de façon inégale. Elle présente le double avantage de rendre les cours beaucoup plus vivants et ludiques tout en favorisant l’apprentissage oral, donc utile.

 

La méthode audio-linguale

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Basée principalement sur la théorie psychologique du béhaviourisme (années 1950), cette approche a repris les avantages de la méthode directe tout en introduisant une structuration précise des apprentissages à effectuer et un entrainement systématique de la mémoire. Elle s’appuie sur l’utilisation intensive de laboratoires de langue, de nombreux outils visuels et un renforcement systématique des apprentissages réussis. Les enseignants font très attention à la production de phrases correctes, même très simples, afin que les apprenants ne mémorisent pas d’erreurs.

C’est l’approche qui domine aujourd’hui dans les écoles de langue, portée notamment par de lourds investissements dans les outils multimédias. Ludique, axée sur l’oral, performante, elle peut, selon les cas privilégier à l’excès le côté technologique (multimedia) au mépris des contacts humains et de la motivation de l’apprenant.

 

L’approche situationnelle [3]

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Cette approche reprend les acquis de la méthode directe tout en structurant l’enseignement non pas en fonction d’une complexité croissante de la grammaire, mais en fonction des situations de communication. Les « situations » sont pour certaines très basiques (« dire bonjour » ; « dire au revoir ») et pour d’autres beaucoup plus complexes (« refuser une recommandation et faire une contre proposition » ; « évaluer les résultats d’un action ou d’un événement »).

La force de cette approche, c’est sa relation étroite avec la vie de tous les jours. On apprend non seulement à s’exprimer, on assimile la culture associée à la langue apprise. Cette méthode est peu diffusée en France.

 

La méthode active [4]

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La clef, selon cette méthode, réside dans l’implication forte du système sensoriel, et notamment du corps. Passant par le corps, les compétences linguistiques peuvent être assimilées à un rythme soutenu tout en renforçant la motivation des apprenants. Le professeur va donc combiner des actions et des phrases. L’apprenant sera invité à assimiler aussi bien l’action que la phrase à son rythme. Il est encouragé à comprendre d’abord avant d’agir lui même.

Plus développée dans l’enseignement des enfants (et notamment des jeunes enfants) que des adultes, cette approche a donné d’excellents résultats notamment dans des pays et des cultures plus portés sur l’action que sur l’intellectualisation.

 

L’approche naturelle [5]

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S’appuyant sur tous les acquis des méthodes antérieures, l’universitaire américain, S.D. Krashen a développé cette méthode autour de 10 hypothèses clairement articulées dont les principales sont présentées ci-dessous :

- Hypothèse de l’apprentissage « subconscient ». Apprendre à maîtriser une langue à l’oral n’a pas grand chose à voir avec la compréhension intellectuelle des structures de la langue à apprendre. La maîtrise d’une langue est essentiellement un processus « subconscient » qui peut se réaliser chez l’adulte d’une façon similaire à celle de l’enfant qui apprend sa langue maternelle.

- Hypothèse de l’ordre naturel. Il y a un ordre naturel dans lequel les personnes apprennent les structures d’une langue. L’ordre naturel pour l’apprentissage de la deuxième langue est sensiblement le même que pour celui de la première langue.

- Hypothèse de l’autorégulation. L’acquisition d’une seconde langue se fait par multiples cycles d’apprentissage par lesquels l’apprenant apprend à s’auto corriger et à utiliser des structures de plus en plus raffinées. Il doit donc disposer de riches sources de feed-back afin de pouvoir s’améliorer.

- Hypothèse de l’input. L’apprentissage se fait par l’exposition à des inputs riches et variés. La compréhension de ces inputs précède généralement la capacité à les réutiliser dans ses productions orales.

- Hypothèse de l’affectivité. Les apprenants qui ont de bons niveaux de motivation et de confiance en soi apprennent mieux et plus vite que les autres. Tout réduction du niveau de stress améliore l’apprentissage.

Cette approche est a suscité beaucoup d'espoirs mais son utilisation reste à vrai dire relativement confidentielle. Il n'y a guère qu'une seule méthode qui s'en inspire fortement en France. Et celle-ci est fortement controversée, souvent jugée ennuyeuse sur les réseaux sociaux. Est-il possible de se remettre, en tant qu'adulte, dans la peau d'en enfant qui apprend sa langue maternelle ? Est-ce que cette posture ne risque pas d'être perçue comme déplacée par les adultes ? 

 

Corpus Linguistics [6]

Le corpus linguistics résulte de l'analyse de la langue et de son apprentissage par des méthodes informatiques. Exit les livres de grammaire, on se focalise sur la grammaire réellement utilisée par les gens dont on veut apprendre la langue. Exit les listes de vocabulaire héritées de l'antiquité, on se focalise sur les mots réellement utilisées au présent. 

Avec les méthodes basées sur le corpus linguisitics, on apprend donc une langue un peu différente. Dans le cas de l'anglais, on apprendra d'abord tout ce qui concrètement est le plus utilisable dans les contacts de tous les jours avec des anglophones. 

Le second bénéfice du corpus linguistics, c'est d'avoir remis les pendules à l'heure: l'enseignement des langues est une affaire d'adultes (on n'apprend donc pas comme une langue maternelle) et les adultes ont besoin de se motiver. Le corpus linguistics met donc l'accent sur la stimulation des apprenants, l'intérêt des matériaux utilisés et la capacité à donner envie d'en savoir toujours plus. 

Encore émergente, cette approche donne déjà lieu à quelques applications concrètes, notamment en matière d'enseignement de l'anglais (Méthode d'anglais intégrée de Cambridge University). Mais l'ordinateur n'a pas encore dit son dernier mot, et l'on peut penser que les recherches dans ce domaine prometteur vont continuer à boulverser l'enseignement des langues. 

 

 

[1] Texte inspiré du travail de recherche de Jill Kerper Mora, Ed. D, San Diego State University

[2] Quelques approches moins connues : La méthode par la lecture (The Reading Approach), la méthode communautaire (Community Language Learning), la méthode silencieuse (The Silent Way).

[3] Finocchiaro, M & Brumit, C. (1983) The Functional-Notional Approach. New York, NY, Oxford University Press.

[4] James C. Asher, Learning Another Language Through Actions, San Jose, California : AccuPrint, 1979.

[5] Krashen, S.D. & Terrel, T.D (1983) The Natural Approach, Hayward, CA, The Alemany Press. 

[6] Voir le site en ligne de wikipedia sur ce thème.